J’ai vécu ces derniers jours sans ordinateur.
J’ai survécu.
Et j’avoue même que ça m’a fait un bien fou.
Depuis quelques temps, certains signes que m’envoyait mon ordinateur – appelons-le Hubert – auraient dû me mettre la puce à l’oreille. Rien de bien grave, mais assez pour éveiller les soupçons de la mère poule que je suis : petits caprices, lenteurs, bave et régressions, refus d’avancer parfois et puis, plus récemment, décidément, impossibilité à se lever de bon matin. Des heures et des heures pour se réveiller et pour enfin aborder la journée… mais j’avais des œillères – après tout, Tistou aussi a du mal à se lever le matin et ce n’est pas pour autant qu’il est bon pour la casse.
Et puis, Hubert était un jeunot ! Mon bébé, mon poussin, mon petit lapin… à peine sorti du ventre de sa boîte et si prompt à m’épater par toutes ses nouveautés ! Dans ma tête, il n’avait même pas un an, le petit… et si, pourtant, il avait un an déjà : un an et deux semaines, pour être exact – deux semaines que la garantie avait expiré…
Certains’écrieront à l’obsolescence programmée : je n’en suis pas loin, mais je penche également pour une grande malchance personnelle avec les machines. Ou une malédiction, c’est selon. Les gadgets électroniques se suivent et se ressemblent, et tous finissent inlassablement à la casse sitôt le délai de remboursement des soins achevé. Et ce n’est pas faute d’avoir tenté les prolongations : les extensions de garantie, ça me connaît, mais rien n’y fait. Et quand il ne s’agit pas de casse, il y a vol. Ou perte. Bref, fatalement, il arrive un moment où les technologies modernes que j’ai tant choyées décident de me faire leurs adieux, bien trop tôt, selon moi - que voulez-vous, on a l’âme d’une mère ou on ne l’a pas, et je ne parviens jamais à me préparer à la rupture du cordon ombilical et à l’envol printanier de mes protégés, à l’âge où je me souviens encore de leurs premiers pas.
L’avantage du départ précoce est pourtant là : une fois les petits partis, j’ai la maison pour moi toute seule, et un temps qui me paraît s’étirer de l’aube au crépuscule sans personne pour me dire ‘Tu as vérifié tes mails ?’, ‘Tu as encore vingt commentaires auxquels répondre !’ ou ‘Ton nombre d’emails en retard est actuellement de 120,000′. Oui, dure vie de maman, surtout quand les petits ont eux-mêmes enfanté, et qu’un joli blog grassouillet et ô combien prenant en est né.
Alors, ces jours sans Hubert, j’ai cru au départ que jamais je ne trouverais la force d’y résister, et puis… Et puis, j’ai eu une petite boule dans la gorge au moment où le réparateur m’a appelée pour me dire ‘ça y est, il est prêt’. Déjà ? A peine commencées, les vacances doivent-elles si vite prendre fin ? A peine placé en colo, le môme doit déjà rentrer ? Adieu, soleil, bronzette, lecture, nature… Hubert est de retour : me voilà de nouveau happée par ses yeux doux, hypnotisée par le travail qui m’attend.
Soupir.
Pourtant, me connaissant, je ne perds pas espoir. Je sais que, bientôt, trop tôt sûrement, Hubert voudra de nouveau battre de ses petites ailes. Je le laisserai s’éloigner et j’espère bien qu’il fera aussi beau alors. Mon bronzage attend de pied ferme ses prochaines velléités d’indépendance.
Laurence, de Petits repas entre amis, a récemment lancé un jeu-concours. Laurence a en fait lancé cette année plusieurs concours et j’ai toujours lamentablement échoué à y participer en temps et en heure. Cela a bien failli à nouveau m’arriver cette fois-ci, mais elle a décidé de repousser la date butoir – grand bien lui en a pris !
Le but du jeu proposé par Laurence est de reprendre une recette parmi une dizaine sélectionnée et d’en changer un et un seul ingrédient. Au choix, des lentilles à l’indienne, une salade thaï, une alléchante pâte à tartiner, et bien d’autres préparations plus gourmandes les unes que les autres… [d'ailleurs, vous avez encore jusqu'au 30 juin pour y participer !]
Bien sûr, certaines des recettes proposées n’étant pas véganes (Laurence est une petite jeune du monde végétal ! ), nous avions le droit (et même le devoir !) de les véganiser – ce qui permet d’avoir un peu plus de flexibilité sur certains ingrédients, pas vrai ?
Parmi ses recettes, il y en avait une en particulier qui me faisait de l’oeil…
… les Pirojki de Noël.
Si vous n’avez pas l’âme slave, vous ignorez peut-être que les pirojki ou pirozhki (пирожки) désignent des petits chaussons sucrés ou salés qu’on retrouve à tout bout de rue en Russie et qui sont si petits et gourmands qu’il n’est pas difficile d’en gober du matin jusqu’au soir, accompagnés d’une bonne tasse de thé noir à peine sortie d’un samovar fumant ou d’une choppe de kvas maison, c’est selon.
En bonne slavisante, je ne pouvais manquer de tenter cette recette qui me mettrait la larme à l’œil en songeant à mes doux séjours dans les pays de l’Est (oui, oui, promis, un jour, je vous en parle et tente des véganisations de recettes de là-bas). Laurence avait proposé deux versions de chaussons différentes : au tofu et champignons ou au saumon fumé et patate douce. Téméraire, je décidai de m’attaquer aux seconds, histoire de faire d’une pierre deux coups : changer un ingrédient + véganiser ces délices. Je réfléchissais au ‘saumon’ végétal, ma MAP était prête à pétrir la pâte, les farines attendaient.
Mais c’était sans compter un petit imprévu…
Le soleil !
Par une température de 35°C, croyez-moi, allumer son four n’a rien de particulièrement charmant. Et puis, l’idée d’attendre des heures que ma pâte lève, tandis que le ciel bleu et l’eau claire du lac me lançaient des appels désespérés ‘Rejoins-nous !’, ne me tentait guère. Exit l’idée de chaussons alors ?
Non ! Pas si je misais justement sur le thème du concours en choisissant pour objet de substitution ce à quoi je n’avais même pas pensé au départ : la pâte !
Et puis, comme Laurence n’avait pas précisé qu’il fallait suivre à la lettre les étapes de la recette, je me suis dit que, si j’allais respecter les ingrédients, il me fallait apporter mon petit grain de sel dans leur préparation. Vivent les pirojki, oui, mais les pirojki de printemps !
Exit donc la pâte levée, exit la cuisson… place à la fraîcheur et à la crusine !
J’avais tous les ingrédients, il ne me restait plus qu’à assembler la recette…
Patate douce crue, râpée et en purée, pour remplacer celle cuite de la première version.
Crème d’avoine maison à base de graines crues et trempées en guise de crème de soja ou d’avoine.
J’ai filé acheter une orange en magasin bio… mon petit producteur local du marché n’en proposant pas en cette saison, je l’ai savourée !
Nous venions d’aller cueillir de l’aneth avec Tistou, en attendant que celle que nous avons plantée en mai soit prête, cela tombait donc bien.
Et puis restait le saumon… mon joker ‘véganisation’, que j’ai décidé de remplacer par un ensemble de graines germées et d’algues en paillettes…
J’ai été fidèle à la recette, pas vrai, Laurence ? Je crois qu’on ne peut pas me reprocher d’avoir dérogé à la règle du concours, et, croyez-moi ou non, je me suis bien amusée ! Comme quoi, les lois ne servent peut-être qu’à être contournées… tout en demeurant respectées, bien sûr
Pour ceux qui auraient des doutes : si, si, je vous assure, la patate douce crue, ça se mange et c’est même très bon ! Rassurez-vous, je ne suis pas la première à en avoir tenté l’expérience, puisque Hélène nous en avait proposé d’alléchantes crèmes il y a peu, et que j’avais été interpellée l’été dernier par ces tentants spaghettis à la Thaï.
Certes, la biodisponibilité du bêta-carotène de la patate douce est plus importante lorsque celle-ci est cuite, mais certains composés, comme les composés phénoliques, d’ordinaire fragilisés par la cuisson, nous sont plus profitables dans la version crue. Ceux-ci, qu’on trouve en grande partie dans la pelure de la patate douce, ont une activité anti-oxydante très importante : vous avez compris, pour en bénéficier, n’éplucher pas vos patates !
En plus de cela, la patate douce est une très bonne source de vitamines B5 et B6, qui jouent toutes deux un rôle majeur dans l’équilibre psychique et dans la régulation des hormones et glandes surrénales. Sans compter la vitamine C, peu résistante à la chaleur et dont la patate douce crue est riche, ainsi que le cuivre et le manganèse, des minéraux souvent perdus dans l’eau de cuisson.
Bon, très de blabla, place à l’action. J’ai joué au grand magicien et, sur ma lancée victorieuse, voici mon oeuvre :
[tadaaaaaa !]
S’il vous plaît, soyez gentils, dites-moi que ça vous plaît et je ne vous dirai pas le nombre d’heures que j’ai passé à créer cette chose qui a bien failli me rendre folle…
* * *
Pirojki de Printemps
* * *
Pour une vingtaine de pirojki
Ingrédients
- 1 dizaine de feuilles de riz
- 1 belle patate douce
- 1 orange (jus + zestes)
- 2 Càs de crème d’avoine crue maison*
- sel et poivre au goût
- ‘saumon végétal’: quelques belles poignées de graines germées + des algues en paillettes (ici, nori)
- quelques brins d’aneth fraîche
* pour la crème d’avoine crue, il vous suffit de faire tremper 100 g. de grains d’avoine entiers pendant quelques heures, puis de les rincer, d’y ajouter 160 ml [1/2 cup] d’eau et une pincée de sel et de mixer le tout jusqu’à obtenir une crème onctueuse, suivant le modèle de cette recette. Cette crème est à utiliser assez rapidement, car elle épaissit vite. Rien ne vous empêche ensuite de l’ajouter à un plat à cuire, ou bien de la remplacer par une crème crue de cajou, ou encore par une crème végétale en brique.
Préparation :
- Coupez la patate douce en deux. Réservez l’une des moitiés et coupez l’autre en cubes. Placez-les dans le bol d’un mixeur avec le jus d’une demi-orange et ses zestes, la crème d’avoine, le sel et le poivre. Ajoutez un peu d’eau au besoin et mixez jusqu’à obtenir une consistance onctueuse (si vous n’avez pas un robot puissant, faites cuire votre patate douce à la vapeur au préalable).
- Râpez la moitié de la patate douce restante.
- A l’aide de ciseaux, coupez vos feuilles de riz en deux.
- Faites tremper chaque moitié dans un fond d’eau chaude pendant une dizaine de secondes : la feuille doit être assez souple pour pouvoir la manipuler ensuite facilement. Déposez-la sur un linge humide et procédez ensuite comme indiqué dans le gif :
- Une petite poignée de patate douce râpée, suivie d’une càc de crème crue, un ou deux dés d’orange et quelques zestes, puis des graines germées. Saupoudrez le tout d’algues, ajoutez un brin ou deux d’aneth, et roulez votre pirojki en cornet.
✽
Vous pouvez servir ces pirojki de printemps avec la sauce de votre choix : sauce soja ou tamari ; crème au yaourt végétal (ou oléagineux crus), citron et aneth ; ou encore, avec une petite sauce à base de purée de patate douce restante, jus d’orange, sauce soja, un filet d’huile d’olive ou de purée d’amande et quelques gouttes de citron… j’ai tout testé : c’est un régal !
Pour une version 100% crue, remplacez les feuilles de riz par des feuilles de salade ou de blette, et gavez-vous de ces petits délices sans gluten, frais et légers ! Pas de patates douces en vue ? Remplacez-les par des carottes : vous n’y verrez que du feu !
Bon, j’avoue tout : maintenant que les températures ont chuté et que le soleil a déguerpi de chez moi, je me tâte… je la tente quand, la vraie version ?
✽
Une petite note à part : retrouvez-moi en interview chez Elisa Boelle aujourd’hui !
Classé dans:Gourmandises sucrées, Recettes crues, Recettes sans gluten, Recettes sans soja Tagged: agave, coco, cru, kid-friendly, lait végétal, oléagineux, sans cuisson, sans gluten, sans soja
