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Le meilleur du monde, rien que ça, je vous jure !..
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Je me souviens, il y a quelques années encore, de la farouche partisane du pain perdu ‘traditionnel’ que j’étais… Et quand je dis ‘traditionnel’, je veux dire imbibé-de-lait-de-beurre-de-sucre-blanc-et-bien-caramélicramé.
En bref, j’étais une inconditionnelle de la baratte, une aficionado de la mie au lait de vache, et plus le sucre caramélisait dans le beurre qui brûlait, meilleur c’était.
Je me rappelle avoir intérieurement fulminé lorsqu’une amie avait voulu remplacer dans ses crêpes maison ce bon beurre au goût si doux par de la margarine – de la vulgaire margarine, entendez-vous ? Et pourquoi pas de l’huile, pendant qu’on y est ?..
C’est contre l’huile, justement, que j’avais violemment tempêté lorsque, invitée dans les Balkans chez les parents de mon petit ami de l’époque, j’avais osé rappeler à l’ordre le gentil papa à grosse moustaches qui, pour son plus grand malheur, avait eu l’audace d’envisager l’huile de cuisson lors de la préparation du pain perdu dominical… Le grand cric l’eût croqué s’il eût eu à affronter pire indignation que celle de sa belle-fille. Comment aurais-je pu négliger mon devoir de bonne Française si je n’avais toujours précisé que rien sur Terre ne vaut une bonne baguette, une belle noisette de beurre partout où l’on peut, et, pourquoi pas, une traditionnelle gauloise à la lippe ?
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Pour parfaire mon rôle de bru huppée, j’exigeai qu’on glissât une tonne de sucre dans le mélange œuf/lait destiné à enrober les tranches de pain. Manquerait-y pas que ça ne caramélise pas ! Voulant honorer son invitée, mon ex-beau-papa s’était derechef exécuté, avait ouvert sa plus belle plaquette de beurre et, une fois celui-ci bien rôti, commencé à y noyer ses tranches de pain mou.
Papa Moustache dut très certainement maudire en son for intérieur le fils qui lui ramenait ainsi la plus prétentieuse et têtue des fiancées, et qui détruisait par la même occasion sa meilleure poêle, dont le fond ne fit bientôt plus qu’un avec le mélange de sucre fondu et de beurre grillé qui y avait été versé. Fort heureusement, la perte ne fut pas vaine, le pain perdu était bon et l’honneur du père sauf.
Heureusement aussi pour ce brave papa, ma rupture d’avec son fils signa la fin du pain perdu à la française dans la maisonnée slave. Et, de mon côté, il se passa de nombreuses années avant que je n’eusse à nouveau à l’idée de faire du pain perdu. Et quand cette envie se présenta, je fut saisie d’un beau dilemme… Végane, je ne savais pas faire de pain perdu sans lait ni œufs ni beurre.
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Bon, à ce moment-là, je vous avoue que mes idées de puriste avaient rapidement foutu le camp, chassées par mes nouveaux idéaux. L’idée de consommer du lait ou du beurre me donnait la nausée (voire des palpitations, si je songeais aux graisses saturées cramées), et ne parlons même pas des œufs (il faut être un peu foufou pour manger les ovules matures des gallinacées, non ? ).
Bref, j’étais prête à affronter le pain perdu ‘sans’, mais pas pour autant moins gourmand, qu’on se le dise. Et ce fut donc parti pour un tour d’Atelier Végétal !..
Le beurre de la recette initiale peut facilement être remplacé par de la margarine, mais, pour ma part, ce n’est pas trop ma tasse de thé, même issue d’huile de palme soi-disant équitable… Comme dans toute recette qui fait appel au beurre, je remplace celui-ci par de l’huile de coco. Cuite, l’huile de coco donne une délicieuse saveur à vos gâteaux, qui, pour ma part, me rappelle beaucoup le beurre. Et ça tombe bien, le point de fumée est aux alentours de 180°C – de quoi résister à une bonne cuisson à feu moyen-vif.
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Le point de fumée, késako ?
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Si vous vous demandez pourquoi l’on entend souvent qu’il n’est pas bon de faire cuire du beurre ou qu’il faut éviter que l’huile ne fume dans la poêle, c’est en raison du point de fumée (ou fumage) de ces matières grasses.
Le point de fumée, c’est la température à partir de laquelle les acides gras vont se décomposer et changer de nature. En plus du goût désagréable que présente une matière grasse chauffée à l’excès, c’est sa décomposition qui s’avère problématique : en effet, c’est à ce moment-là que de nouveaux composés vont se former, souvent cancérigènes. C’est le cas notamment des hydrocarbures polycycliques aromatiques (HAP), des molécules classées dans la liste des polluants prioritaires de l’Environmental Protection Agency.
Ce qui est délicat, c’est que, selon leur composition, toutes les matières grasses n’ont pas le même point de fumée. Il est donc bon d’avoir quelques réflexes pour utiliser les huiles à bon escient dans sa cuisine, en sachant que les huiles raffinées ont toujours un point de fumage supérieur aux huiles non raffinées :
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Point de fumée bas < 170 (à consommer cru)
- huile de lin 107
- huile de colza vierge 107
- huile de tournesol vierge 107
- beurre 130-150
- huile de pépin de courge 140
- huile de noix 160
- huile de chanvre 165
- huile de soja vierge 160
- huile d’arachide vierge 160
Point de fumée moyen 170 – 210 (cuisson à la poêle ou four)
- huile de noix de coco vierge 177-180
- huile de sésame vierge 177
- huile de soja semi-raffinée 177
- huile d’olive vierge 190 (207 en haute qualité)
- huile de macadamia 199
- huile de colza raffinée 204
Point de fumée élevé > 210 (wok, friture)
- huile de sésame grillée 210
- huile de pépins de raisin 216
- huile d’amande 216
- huile de noisette 221*
- huile d’arachide raffinée 227
- huile de tournesol raffinée 227
- huile de maïs raffinée 232
- huile de noix de coco raffinée 232
- huile de soja raffinée 232
- huile de palme raffinée 240-260
- huile d’avocat 271
* j’ai été très étonnée !
Sources : Wikipedia (1) (2), La Nutrition
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A titre personnel, j’utilise l’huile de coco en remplacement du beurre dans mes recettes de gâteau ou cookies (four 180°C max.) ou à la poêle à feu moyen-vif. Quand je veux faire revenir des aliments au wok ou les faire frire (donc haute température), j’utilise l’huile d’avocat ou l’huile de sésame grillée.
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En accompagnement de mon pain perdu, j’ai décidé de faire un coulis au caramel cru.
Extrêmement simple à préparer, cette petite crème est à l’image de mon pain perdu végétalien : pas du tout traditionnelle… Autrement dit, ne vous attendez pas à faire revenir du sucre à la casserole, pour la simple et bonne raison que mon caramel ne contient pas un gramme de sucre ajouté.
Et pourtant, promis juré craché, ce caramel, on s’en lèche les doigts de bonheur tellement il est bon à tomber. Même si vous ne faites pas de pain perdu, si vous n’aimez d’ordinaire pas le caramel, ou si vous êtes à la diète, croyez-moi sur ce coup-là : une goutte de ce caramel sur vos lèvres, et c’est l’orgasme papillaire assuré.
Allez, pourquoi vous faire encore attendre ?..
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Désolé, j’avais vraiment trop mal à la tête pour un gif cette fois…
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Pain perdu végétalien
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Pour un pain de 500 g.
Ingrédients :
- pain sec ou rassis (sans gluten pour une recette 100% sans gluten)
- 250 ml. [1 cup] de lait végétal
- 20 g. [ 2 Tbsp] de farine de sarrasin (ou pois chiche)*
- 65 g. [4 Tbsp] de compote de pomme (ou autre fruit)
- 5 g. [2 tsp] d’arrow-root ou fécule (maïzena, pomme de terre…)
- 1/2 càc de cannelle (opt.)
- 1/4 càc de muscade (opt.)
- une belle pincée de sel
- huile de coco (pour la cuisson)
* ou farine de blé, si vous mangez du gluten
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Préparation :
- Coupez votre pain en tranches épaisses de 1-1,5 cm. S’il n’est pas assez sec, faites-le rôtir au four 5-10 min de chaque côté en mode ‘grill’.
- Mettez la farine, la fécule, le sel et les épices dans un bol. Ajoutez doucement la compote en battant le tout à l’aide d’une cuillère en bois. Ajoutez ensuite le lait petit à petit, tout en remuant, de sorte à obtenir une crème homogène.
- Mettez-y à tremper vos tranches de pain quelques minutes (plus longtemps si vous aimez un pain perdu bien moelleux).
- Faites chauffer un peu d’huile de coco dans une poêle à feu moyen-vif. Déposez-y une ou deux tranches de pain, laisser dorer 1-2 minutes sur la première tranche avant de retourner, et de laisser cuire encore 1-2 minutes. Retirez le pain perdu du feu et continuez avec le reste des tranches. Servez sans attendre !
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Vous pouvez également utiliser du tofu soyeux dans la pâte à pain perdu, le résultat est tout aussi délicieux ! J’avais envie de faire une recette ‘sans soja’ ici, mais si le cœur vous en dit, il suffit de remplacer la compote par la même quantité de tofu soyeux + 1 CàS rase de sucre complet.
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Coulis au caramel cru
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Pour environ 330 ml. de caramel
Ingrédients :
- 5-6 dattes medjools (ou 8-10 petites dattes)*
- 250 ml. de lait végétal
- 1 càc bombée d’huile de coco
- 2 belles càc de purée d’amande blanche ou de cajou
- une belle (grosse) pincée de sel
- une belle pincée de vanille
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Préparation :
- 2 à 4 h à l’avance, mettez vos dattes à tremper dans le lait (ceci n’est pas nécessaire si vous avez un bon blender).
- Mettez l’ensemble des ingrédients dans le bol d’un blender et mixez jusqu’à obtention d’une crème homogène.
- Servez en nappage du pain perdu, ajoutez des noix ou des amandes effilées… et régalez-vous !
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Que vous choisissiez d’en accompagner ou non votre pain perdu, ce coulis se conserve 2-3 jours au réfrigérateur. Malheureusement, chez moi, il n’a pas tenu au-delà du petit-déjeuner… J’y ai tant succombé que j’ai dû en refaire dans la foulée !
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Comme vous l’aurez peut-être remarqué et si vous vous posez des questions, aucun fruit hors-saison n’a été utilisé pour cette recette que j’ai préparée… cet été !
Et oui, le printemps à nos portes, mes envies de ciel bleu et de douces températures se font de plus en plus pressantes (même si nous avons beaucoup de chance dans le sud de l’Allemagne, épargné par les tempêtes atlantiques) : tout prétexte est bon pour mettre du soleil dans son assiette, pas vrai ?
Si vous vous attendez à une copie conforme du pain perdu traditionnel aux œufs et au beurre, vous serez peut-être un brin surpris. Si vous êtes seulement très gourmand, vous serez tout simplement comblé !
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